Vous êtes transportés par magie en plein cœur de la Gascogne. Devant vous se dresse un énorme rocher. Que faites-vous ?
– J’avance et si je rencontre des gobelins, je fonce dedans !, dit le Barbare en flanquant une gifle au Nain.
– moi, je baguenaude à la recherche de baies, répond l’Elfe.
– J’irai là où l’Elfe n’ira pas !, avance le Nain, tout en se frottant la joue.
– schlaguevuk zodo, grogne l’Ogre
– Qu’est-ce qu’il dit, l’Ogre ?, demande le Voleur
– Il dit qu’il a faim, répond la Magicienne
OK… pendant que vous palabrez, vous entendez un bruit venant de derrière le rocher. Un bruit qui racle. Ranger, lance un dé 100. Tu as 99 % de chances de tomber sur un groupe de Folk Metal gascon*, venu se ressourcer ou… un feumble et ce sera la version démoniaque tout droit sortie des Enfers…
– 100 ! Et meeeeerde !
Prend place sur le rocher, à côté d’un grand serpent aux yeux rouges et à la langue d’épée, un prêtre au béret noir vissé sur la tête. Il embouche un boha et fait résonner une litanie plutôt dansante, ce qui ne manquera pas de vous étonner, par ailleurs.
– C’est l’heure de la moisson, lâche-t-il, livide. Je suis venu récolter vos âmes ! Mais personne n’a dit qu’il fallait que ce soit triste, alors, dansons, chantons, rions !
Vous ne comprendrez pas grand chose aux paroles qui accompagnent une guitare électrique, dont le riff sera sautillant, un riff comme on en trouve dans le Death mélodique. Quand le chant commence, la filiation avec le mélo death se poursuit par une voix proche de celle d’un Mickael Stanne de Dark Tranquility, sans oublier les nombreux passages à la double pédale… Pour autant, très vite, vous vous rendrez compte que vous vous trémoussez bel et bien sur des blasts et des tremolo pickings, le tout auréolé d’une bonne tranche de fiel purement Black Metal.
Vous reconnaissez le gaillard devant vous. Il dit se nommer Darkagnan (vous pouvez souffler, ce n’est pas Dark Vador). Derrière lui, un homme martèle des fûts (peut-être de bière, allez savoir, vous ne voyez pas bien de là où vous êtes), répondant au nom de Philippe Etcheblast. Est-il cuistot, le bougre ? Impossible à savoir… Mais ce dont vous êtes certains, pour l’avoir déjà aperçu en concert par ailleurs (très exactement au Motocultor 2023), c’est que ce béret noir, c’est celui de Baptiste Labenne, chanteur de Boisson Divine*.
Il faut le reconnaître, le Folk, le Heavy, c’est pas votre truc. Vous vous dites en votre for intérieur « pffffff…. »**. Ouais, mais ce « Serpent D’Isaby » ne se déroule pas comme vous l’imaginiez. Après une intro bien médiévale, que n’aurait pas reniée Pen of Chaos, la dimension Blackisante est bien présente et vous laissera un petit sourire sur les lèvres (OK, c’est un peu antinomique, mais vous ferez avec, c’est ainsi !). Finalement, ce n’est pas si folk que ça.
… Attendez ! Ah si quand même… Y a de larges passages purement Folk et médiévaux. Chaque titre y aura droit. Souvent en intro de morceau et à l’intérieur. Ces passages arrivent d’ailleurs à la façon d’un break, ce qui vous fera peut-être dire « paye ta transition ! ».
A noter, un morceau purement instrumental, en cinquième piste. Mais revenons aux précédents. Et notamment aux paroles. Souvenez-vous, j’avais bien dit que vous ne comprendriez pas grand chose et pour cause, c’est entièrement écrit et chanté en gascon. Mais si vous avez entre les mains la traduction, n’hésitez pas à la dévorer. Même en français, un grand soin y est apporté. On va naviguer entre les grandes épopées épiques, ce qui se traduit aussi musicalement, chères au pays gascon. Des légendes, des hymnes aux personnes qui ont posé leur pierre à l’édifice Landais ( MALHEUREUSE ! Que dis-tu là ?! Le projet est originaire du Gers, non des Landes !!!)… Ces morceaux seront plus longs. On sent bien l’amour du gascon pour sa « mère patrie ». Quand certains vont jouer du Biniou ou du Hautbois, ici, Baptiste jouera du boha ou de l’aboès, instruments du « pays ». Les paroles en gascon ajoutent à cette dimension.
La langue, mais aussi les idées ! Quelques titres plus courts sont de véritables brûlots à l’encontre de ce qui peut agacer les Landais (et d’autres aussi, je vous rassure) : les cyclistes qui inspireront le second titre « Sus l’arròda » ou encore la sixième piste, « A.C.A.B », qui vous parle des bobos… C’est purement hilarant. Et vous pourriez aussi y trouver un petit trait d’union avec l’esprit breton… On se dit que la sortie chez Antiq est totalement raccord !
« L’òmi xens passat », est un titre de Boisson Divine*, mais dont le traitement (le refrain) sera en version BM… Parlant Black metal, vous allez également vous surprendre à chanter en chœur les refrains. C’est une nouvelle influence qui se retrouve ici, celle du True Metal : Rhapsody et ses refrains brillants, chantés à la façon des hymnes, mais aussi In Extremo, notamment dans le chant en occitan, vieil allemand et vieux suédois. En autres influences, on trouvera aussi le côté épique du Power Metal et celui dévastofoutraque du punk (légèrement, hein).
C’est là où vous commencez à comprendre qu’en face de vous, se tient un duo de magiciens noirs qui ont capturé votre âme (sans oublier les innombrables guests). Car oui, vous vous surprendrez à chantonner les riffs, qui sont très bons. Vous vous dites que tout est bien construit. Le son est excellent, avec un mix signé Borie de la combe noire qui laisse la place à chaque instrument, ainsi que l’artwork. Et quand c’est fini, bah vous avez envie de relancer la quête… Malin ! (Ben oui, quand c’est démoniaque, le malin n’est jamais très loin).
Pour cette fois, la troupe ne passera pas le big boss de l’aventure. Vous allez devoir recommencer le niveau, réécouter Sent Empèri Gascon . Un plaisir pur pour les uns, un plaisir coupable pour les autres. Mais finalement, à votre grand étonnement (ou pas), cela restera du plaisir.
* Boisson Divine est un groupe de Folk Heavy Metal.
** Qu’est-ce qu’il dit, l’Ogre ? Il dit qu’il faut remplir les petits points avec les mots qui vous conviennent.
P.S. : Ah oui... j'oubliais... prenez le temps de lire les crédits et autres remerciements, tout est trempé dans l'encre de l'humour... noir parfois, hilarant toujours. Jetez donc un œil aux noms des roadies : Fenriz de Veau, Euronymoussaka, Sebastien Chabal-Sagoth, Count Grishgnac !
Tracklist :
01 La sèrp d’Isavit (Le Sepent d’Isaby)
02 Sus l’arròda (Sur la roue)
03 L’òmi xens passat (L’homme sans passé)
04 Sent Empèri Gascon (Saint Empire Gascon)
05 Passejada dolorosa (Promenade douloureuse)
06 A.C.A.B. (Armanhaqués Comandò Anti-Borgesòts – Commando Armagnacais Anti Petit-Bourgeois)
07 Caçaire d’eternitat (Chasseur d’éternité)
Line-up : Darkagnan – Chant, guitare électrique, guitare acoustique, basse, bouzouki, boha, aboès, tin whistle, lap steel guitar, saxophone alto, claviers / Philippe Etcheblast – Batterie
Guests : Romain Queille – Trompette (4) / Pereg Ar Bagol – Accordéon (3) / Geoffroy Dell’Aria – Tin Whistle (1) / Sylvain Marques – Trompe de chasse (7) / Lafforgue – Vielle à roue (1&7) / Torve Ascète – Arrangements batterie
Imagerie, mixage et mastering par Borie de la combe noire
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