Genre : Grindcore
Note : 95/100 (Gévaudan)
Label : Source Atone Records (agence singularité)
Sortie : 14/06/2024
“C’est une bien GRIST nouvelle”…
L’entrée est là, juste devant. Trou béant de noirceur intense à côté du VTT Center.
Un cap va être franchi.
Nous sommes le 29 Novembre 2003, il est 20h30 et, écouteurs sur les oreilles, moi et une bonne équipe de fanfarons nous préparons à entrer dans un monde que nous n’avions encore jamais exploré.
On sort le lecteur MP3 / clé USB. La playlist ? L’album “Helvete” de Nasum, que j’écoute en boucle depuis des semaines, nourrissant mon cerveau d’adolescent sur le point d’atteindre le stade tant prisé de la majorité.
Et dans le présent, au même moment, sur la playlist de VLC : “Garden of Aeolys” de GRIST…
Plus qu’à appuyer sur play. Que la fête commence !
20h40 – Stigmate
Nous avançons lentement dans le tunnel de la petite ceinture. L’écho de nos voix se réverbère sur toutes les parois. La voie ferrée entrave nos pas.
Un extrait du final de la planète des singes de 1968 se fait entendre. La transposition de mon « moi » de 2024 apprécie d’autant plus cette référence.
Nos éclairages faiblards atteignent à peine l’entrée de l’autre tunnel, un peu plus loin sur le chemin. C’est dans celui-ci que se trouve le fameux « trou ».
20h55 – Get the Job Done
Le trou est là, sur la gauche, dans l’angle formé entre le pied du mur et le sol.
Tout semble bas à l’intérieur. On se demande si on est bien arrivé au bon endroit. Un tourbillon de pensées s’empare de ma tête comme une série de blast-beat hypnotisants. Comme des riffs sortis tout droit d’un esprit qui fonctionne à mille à l’heure.
Telles les produirait un Mieszko Talarczyk déchaîné, les premières notes hurlent et tempêtent dans mon crâne, faisant écho à ce moment, celui où l’on réalise à quel point on plonge dans l’inconnu. Sans plan. Sans préparation.
21h20 – Alone
C’est comme ça que l’on est à ce moment-là, tout seul, avec ces pensées martelantes. Tout seul. Cinquante-huit secondes paraissent une éternité, quand on y pousse beaucoup de contenu.
C’est ce qu’il vient de se passer. La perception du temps est fortement remise en question. Que viens-je de vivre ? Une excrétion de négativité à l’état pur ? Possiblement.
Des lumières apparaissent au loin. Appréhension.
21h25 – Piority
Car tout dans la vie est une question de priorités. Qu’est-ce qui a poussé ces explorateurs aguerris à nous guider dans nos premiers pas ? Leur priorité n’était-elle pas de vivre une aventure à eux deux ?
Visiblement non. Ils ont préféré le social.
Les pensées, comme la musique, se calment. Les guitares sont toujours aussi incisives, cependant. Du Grind brut de décoffrage comme on aime l’entendre tout en regardant les autres s’affairer à négocier avec les nouvelles têtes venant d’apparaître. Heureusement qu’ils ont accepté.
21h30 – Easier
C’est parti, nous voilà accroupis dans les premières galeries. Cette première exploration va être plus facile que prévu avec les deux guides désormais à nos côtés !
Les mélodies évoquent un sentiment de grandeur, d’espace clos immense. Pourtant, cette galerie est minuscule. Et inondée.
L’eau rentre dans mes rangers, mon pantalon imperméable ne sert à rien. L’alternance des moments mélodiques avec des passages d’une effarante brutalité colle d’autant mieux avec ce moment de désillusion.
21h50 – I’ve Lost
J’avais pris le pari de finir au propre et au sec, j’ai perdu. J’ai perdu en grandes pompes. En grandes pompes inondées par une eau opaque.
Ma veste en cuir est désormais pleine de résidus de calcaire.
La musique est intense. Les riffs sont intenses. Le registre a quelque peu changé. Des parties de bass / batt avec du larsen amplifie la sensation de perdition.
Combien de virages avions-nous fait ? Quelles directions avions-nous prises ? J’ai arrêté de faire attention.
“Grist Grist Rage”
22h00 – Sober
Ce que nous n’étions pas. Vraiment pas. Avec plusieurs bouteilles et autres joyeusetés à notre actif, il restait néanmoins aisé de tenir la cadence de marche.
Un corps jeune est tellement pratique pour ça ! Comme pour tenir un blast énervé aussi longtemps…
Une minute deux secondes de pures crampes si par malheur je m’y essayais, même à dix-sept ans !
On revient désormais dans un registre plus agressif, plus expéditif. Et nous prenons un tournant inattendu dans une longue galerie…
21h15 – Facilities
On aurait pu croire que nous étions dans l’une d’elles. Une de ces usines désaffectées avec des ambiances glauques à souhait et plein de babioles à piquer.
Mais non, c’était bel et bien l’un des réseaux de galeries les plus grands au monde.
Encore cinquante-huit secondes de bonheur, toujours trop vite passées avec ce style qui me prenait, me prend et me prendra aux tripes.
“Un Nasum sous stéroïdes”
21h20 – Play Dead
Mes yeux s’ouvrent d’horreur. Une silhouette sous la lumière de ma lampe. Un corps qui sort du mur. Ma bouche laissa échapper une exclamation de pure terreur abjecte.
Le « passe-muraille », une œuvre d’un artiste inconnu qui représente à la perfection un homme en train de sortir du mur. On ne peut pas plus faire le mort que ça, l’adrénaline m’a remis les idées en place, comme elle semble avoir remis en place les riffs de cette chanson. On a un rythme lent, une mélodie qui se répète plus de deux fois de suite… Atypique !
21h30 – Test Strip
Un minuscule escalier en colimaçon. Où peut-il bien mener ?
Une minute quinze de descente, dans de si petites marches, ça te donne l’impression que tu descends des kilomètres.
Comme le fait de commencer ta chanson avec du gros blast et la terminer comme la précédente, avec un riff bien catchy précédé d’un joli tapping, le tout encadré d’un soupçon de chaos.
Voilà que se profile la salle où nous allons faire escale.
21h45 – Tears in Rain
Est-ce là Blade Runner… Ou est-ce plutôt South Park ? Depuis la sortie des épisodes estampillés « post-COVID », on peut légitimement se poser la question !
C’est typiquement ce que je me serais dit si je m’étais trouvé là, aujourd’hui, dans les mêmes circonstances.
Un début en D-beat pour s’installer correctement sur les bancs. Il y a des panneaux de signalisations, apportés de la surface, qui ornent fièrement les murs de pierre.
L’ambiance est parfaite. On sort la nourriture et les boissons. Et les cocktails.
« Just like tears in rain ». Effectivement, les gouttes de cet alcool étrange seront comme des larmes dans la pluie de coca qui s’amène…
22h00 – My Chapel
C’est comme ça que j’aurais baptisé cette salle si l’idée de la nommer m’était venue.
La géométrie des lieux me fait penser à des riffs torturés, des mélodies qui s’épanchent sur des gammes qui hument la corne brûlée sur des cordes oxydées par la sueur. Et un rythme ternaire très soutenu, très rapide. Ou est-ce l’inverse ?
Je ne sais plus.
C’est toujours trop court.
Un goût de reviens-y.
On en redemande à chaque fois.
– « Ouais, c’est ce que l’autre jour ta copine m’a dit ! »
– « Ta gueule et va t’en couper du bois. »
22h30 – Wrong Glass
Les notes se font plus sombres, comme dans du Funeral Doom. Le tempo s’est ajusté en conséquence, voilà qui colle très bien ! On prend “The Final Sleep”, on le glauquifie, on diminue d’une vingtaine de BPM et Paf ! Ça fait “Wrong glass” !
Il y avait quoi dans ce verre, d’ailleurs ? Je crois que je me suis trompé. Je… Pourquoi mon pote tient un os dans sa bouche qui ressemble à s’y méprendre à un fémur humain ?
Cela dit, j’avais momentanément oublié pourquoi l’endroit où nous sommes s’appelle « les catacombes ».
Le temps semble subitement plus long. Quatre minutes quinze ? C’est de la folie ! Pourquoi faire une chose pareille ? Vous voulez ma mort par hémorragie cérébrale, c’est ça ?
Mon alter ego de 2003 vous maudit, messieurs ! Ça ne se fait pas, de donner dans le mind-blowing de la sorte !
“Le sang du GRIST”
23h05 – The Deepest Hole
Qu’ouïs-je ? Qu’entends-je ? Du Nasum, comme sur le lecteur MP3 ! C’est une sacrée coïnci…
– « Mec, cette chanson n’est pas sur Helvete… »
– « J’ai dit COMME SUR LE LECTEUR MP3 !! »
– « Mais… »
– « Ta gueule. »
Donc, je disais que la concordance des flux quantiques serait propice à un véritable retour dans le passé. Cette reprise est assez magnifiquement exécutée pour le permettre. Ce moment précis où nos lecteurs audio se sont synchronisés…
– « Mais non, je te dis que « The Deepest Hole » n’est pas sur… »
– « Et moi j’ai dit TA GUEULE, c’est une résonance quantique du continuum espace-temps ! OK ?? »
– “Grrrmmbl…”
Veuillez m’excusez. Ce moment précis, disais-je, où nos lecteurs audio se sont synchronisés, marque la possibilité d’un changement, d’un début de timeline alternative. Est-ce que j’obéis scrupuleusement à mes parents et respecte mon couvre-feu de minuit comme je l’ai fait il y a 21 ans ? Ou est-ce que je reste avec mes potes et continue l’exploration avec les deux gaillards croisés à l’entrée… Dilemme.
06h50 – Bret
Une outro un peu atypique. Électronique. Avec des voix presque intelligibles qui se font entendre. Il est tard, ou tôt, je ne sais plus. J’attends le train. Ça bouge et ça s’affaire autour de moi. J’entends un tout petit bout de loop de batterie de Kraftwerk, le cercle de références est bouclé. Quelle soirée ça a été ! Je suis dans tous les états possibles en même temps.
Et je vais me faire déchirer par mes parents, au vu du nombre d’appels manqués.
Cette nouvelle timeline démarre sur des notes de colère, de ressentiment, et de culpabilité.
Il faut croire que malgré les années, je suis encore plus un sale gosse que je ne l’ai jamais été, et je kiffe toujours autant le Grindcore. Encore plus les groupes qui marchent dans les pas de mon mentor (qui n’a jamais su qu’il avait un apprenti, d’ailleurs).
Mieszko, tu peux reposer en paix, la relève est assurée !
Sur ce, je vous laisse. Mon train arrive, et la nouvelle vie de débauche et de gros son qui s’offre à moi, de facto dénuée des moults écueils que je compte bien contourner, sera bien plus palpitante dans cet espace-temps alternatif où je laisserai le Grind guider mes pas de jeune homme vers de nouvelles aventures musicales autrefois bêtement transformées en actes manqués.
Car qui sait…
Dans cet univers alternatif, peut-être deviendrais-je de fil en aiguille un membre de GRIST ?
Line-up : Julien Deyres – Vocals / Antoine Perron – Bass / Nicolas Rigal – Guitars
Liens :
https://grist-grind.bandcamp.com
https://www.facebook.com/GristGrind
https://www.youtube.com/channel/UC-LOAXbVvZg-KSZTTN66c8Q