Par WvG – 24/10/24
Je ne fête pas mes anniversaires… ni ceux des autres d’ailleurs… Non, je ne suis pas témoin de Jéhovah ; simplement, je dois inconsciemment attacher de l’importance au message profond de la locution latine qui sert de patronyme au webzine dans lequel vous pouvez lire ponctuellement mes conneries (et plus régulièrement les choses sérieuses des autres auteurs), Memento Mori, un webzine qui gagne à être plus connu, reconnu voire révéré (n’est-il pas ?) Je trouve ça déplacé voire impoli de (me faire) rappeler que le temps passe et que je suis, tout comme vous, destiné à en finir un jour ou l’autre, de la terre à la terre, de la poussière à la poussière. Aussi aujourd’hui, je vais m’attacher à faire une (brève) présentation du « Memento mori » dans l’Art car, comme dirait mémé (Migou, peut-être aussi) : « nul n’est éternel » ; la postérité ne m’intéressant pas et la conscience de la vacuité de ces monologues écrits étant actée, autant que le temps passé ne soit pas totalement perdu et que je vous apporte quelques connaissances que vous n’auriez pas encore en quelques œuvres qui me sont marquantes.
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« Cueillez vostre jeunesse : comme à ceste fleur la vieillesse fera ternir vostre beautez ». Pourquoi citer Ronsard, qui plus est son « Ode à Cassandre » ? Pour commencer parce que j’ai vu passer une information sur Joachim du Bellay (sa tombe et son corps auraient été retrouvé par des archéologues sous Notre Dame de Paris), considéré comme fondateur de la Pléiade avec Pierre de Ronsard, et que ça m’a motivé et inspiré pour débuter cette page initialement blanche. D’autre part, même si ce poème est considéré comme un chef d’œuvre et une référence de la poésie française, bien que dans le sous-texte et dans le contexte on y lirait plutôt de la psychologie inversée #cé1PN (parce que, oui, la poésie, c’est le plus beau mensonge de la littérature : tu peux y dire toutes les saloperies que tu veux tant que les tournures sont belles… un peu comme la chanson, en somme), on peut mettre en relation ces deux valeurs pas du tout antithétiques : cueillir sa jeunesse (donc profiter de la vie) et « souviens-toi que tu vas mourir » (donc profite de la vie). Vous allez me dire que, oui, je « fais des raccourcis, c’était (parait-il, je n’y étais pas) une locution latine glissée à l’oreille des généraux romains lorsque qu’on les adoubait » (ce qui pouvait à la fois être un moyen de les redescendre illico de leur piédestal de vanité, tout comme une menace implicite sur leur proche assassinat). C’est exact ! Mais avouez qu’il est délicat de ne pas faire un parallèle tant on en revient à la même notion : celle du temps, court, qui passe, qui a un début mais surtout une fin, car tout a une fin (sauf la banane qui en a deux). Et c’est le temps qui court, court, qui nous rend sérieux ; la vie nous a rendus plus orgueilleux. On avait un relationnel très différent avec la mort autrefois : la conscience que du jour au lendemain, finie par accident, meurtre, maladie, épidémie (la peste noire n’avait jamais vraiment disparu, le taux de mortalité infantile était XXL, c’est pas pour rien qu’on faisait des gosses à la louche, loin des 1.8 enfant par famille !) Et hop, 21 grammes de moins…
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Tiens, la vanité, on en parlait ci-dessus ! C’est un peu une marotte de la peinture ; on y considère que la nature morte sous toutes ses formes – que l’on dénomme comme des « vanités » dans l’art pictural – est une vision du Memento mori : des choses autrefois vivantes, objets animés et destinés à se faner (comme la rose de Ronsard) parce que c’est le chemin naturel des choses, l’histoire de la vie, le cycle éternel… On considère tout autant la « Corbeille de fruits » du Caravage de la fin du XVIème siècle ou la célèbre « Vanité » de Philippe de Champaigne (illustration plus bas) de la première moitié du XVIIème siècle comme des représentants de cette locution. Si la vanité, le mot, se traduirait par la frivolité voire la futilité et l’intérêt qu’on accorde à celle-ci (en gros les broutilles à vue égocentrique, ce que je définirais comme cet objet « inutile, donc essentiel » qu’il nous faut posséder à tout prix), le fait de vouloir échapper à la fatalité et la finalité est aussi une vanité, littéralement une chose vaine que d’essayer de lutter ou passer outre cette fin annoncée par le début et dès le début. C’est intéressant – et ironique – qu’une période comme celle de la Renaissance [j’ai dit « période », pas « parti »] se soit tant intéressée à ces notions de mortalité, d’éphémère et donc de vanité. Certes, comme je l’évoquais au-dessus, la rencontre avec la Faucheuse était plus facile que d’obtenir un conseiller clientèle quand la Box internet est en rade (et à l’époque, tu pouvais toujours essayer de débrancher et rebrancher, ça ne marchait pas davantage) mais c’est intriguant quand on voit que les deux siècles précédents ont vu naître des grivoiseries rabelaisiennes ainsi qu’une pléthore de chansons paillardes qui parlent d’aller fourrer des nez dans des entrejambes (voire autre chose que des nez) en se foutant royalement de Metoo. Allez savoir… un jour prochain, je vous proposerai peut-être un article sur le lien ténu entre les comptines de votre enfance au sous-texte très sale et le glam Metal et ses sous-entendus… Hé, hé, hé…
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Je vous parlais plus haut de poésie et faisais un parallèle entre le fait que la vie soit courte et celui de « cueill[ir] dès aujourd’hui les roses de la vie » (encore Ronsard mais cette fois pour draguer Hélène [et non Sophie] de Fonsèque, fille d’un baron, après avoir fait de même avec Cassandre Salviati, fille d’un banquier italien…) Je pourrais donc vous citer directement une autre locution latine, Carpe diem, des « Odes » d’Horace, poète romain antique et aller sur le terrain du cinéma en m’attelant au « Cercle des Poètes disparus » de Peter Weir (avec les jeunes Ethan Hawke et Robert Sean Leonard, mais aussi Robin Williams dans un de ses meilleurs rôles, inspirant ou polémique selon le point de vue, surtout celui des pédagogues qui débattent encore maintenant, s’en inspirant ou le conspuant à souhait, de son opportunité), voire, pour revenir sur le cycle éternel du « Roi Lion », vous inviter à chanter « Hakuna matata », ce qui n’est pas évident quand on n’a pas une mangouste et un phacochère à proximité. Eh bien, non, que nenni : je vais vous parler de « Memento », le film qui a révélé Christopher Nolan. Qu’il en ait conscience ou pas, Nolan est très inspiré par l’Antiquité et particulièrement la tragédie et le péplum ; vous pouvez chercher, pas de comédie à son actif mais toujours des structures de tragédies grecques dans ses films, voire la mythification du héros/gladiateur dans l’arène (regardez la trilogie Batman) ancrée dans le contemporain et dans l’air (comme l’ère) de son temps. Le carré Sator qui sert de base à son « Tenet » est aussi éloquent, une référence à Pompéi. Mais puisque c’est « Memento » qui nous intéresse présentement, faisons un petit décryptage rapide ; en effet, le lien est direct avec la traduction de la locution puisqu’on connaît la fin dès le début. La spécificité de ce film, c’est son montage, à rebours : on connaît la fin et l’intrigue repose sur l’origine et les questions trouvent leur réponse avec non la fin du film (puisqu’on la connaît déjà, je ne spoile même pas) mais le début ; les « Qui ? Quoi ? Comment ? Pourquoi ? » ne seront résolus qu’au début… enfin à la fin… Bref, vous avez compris, je pense. L’intérêt ici est de faire une allégorie avec les pertes de mémoire du protagoniste (Guy Pearce, très bon aussi dans ce film) obligé de se tatouer des reminders, aussi appelés memento (pour se souvenir) et la proximité permanente et incohérente dans sa situation initiale avec la mort. Je pourrais tout à fait reporter cette analyse sur son « Interstellar » qui traite aussi, en seconde lecture du Memento mori, avec son protagoniste (interprété par Matthew McConaughey) qui cherche à comprendre le début et la fin tout en sachant qu’il va/doit mourir, avec cette perpétuelle notion du temps qui passe, chronométré jusqu’à la BO de Hans Zimmer mais restons dans le sujet initial.
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Vu qu’on est dans le domaine des arts visuels, parlons de photographie. Quand j’étais gamin, la photo ci-dessous m’avait pas mal fait cogiter : elle ornait l’intérieur de la porte des toilettes chez mon père ; les chiottes, ce lieu propice à la réflexion sur l’être et le néant, la nausée puis les mains sales, clairement le spot pour philosopher dans la posture du « Penseur » de Rodin. Quand on est gosse, on réfléchit souvent à la mort (dixit les psys, c’est l’âge qui veut ça, la fameuse question enfantine du « toi aussi tu vas mourir ? » et « c’est quoi mourir ? »). Cette photo a ceci d’intéressant que, même si j’y voyais un brûlot politique (très clairement anti guerre du Vietnam), je pense que c’était surtout le « memento mori » paternel qui s’y cachait car par-delà la question, ce « pourquoi ? », il y a surtout l’idée que cette anonyme photo, comme toute photo d’ailleurs, arrête net le temps : ce soldat EST mort, on le sait, sa chute est annoncée, c’est déjà une nature morte avant de toucher le sol… C’est aussi « le choc des photos », ce temps figé qui est à lui seul un « memento mori ». C’est aussi ce qui est important et nécessaire dans le témoignage des reporters de guerre qui, eux aussi, vivent perpétuellement leur Memento mori (c’est le contrat tacite avec leur profession) : quelque biaisé et subjectif soient-ils, on tombe inéluctablement sur du factuel dans l’image. Tel une miss France, je suis contre la guerre mais, vu que c’est la nature humaine de vouloir aller déféquer sur le terrain du voisin avant de chercher à agrandir le sien, autant que les Arts s’en mêlent au préalable.
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Comme je tarde sciemment à le faire, je vous vois déjà venir, grommelant et arguant que « Memento mori, c’est un webzine musical et metal d’abord ! Qu’est-ce qu’il nous prend la tête avec ses trucs de ieuv qui parlent pas de notre musique ?! » On se calme ! Oui, toi aussi, là-bas au fond : j’y viens… Je vous gardais le « meilleur » pour la fin : la Musique… Alooooors… Depeche Mode et son album de 2023 ? Nooooon… Le morceau de Lamb of God ? Le groupe de Metalcore suédois Memento Mori ? Hmmmm… Pourquoi pas… Mais non, tiens : parlons de « Memento Mori » de Architects. Quand un Freddy Mercury agonisant chante la chanson la plus noire du répertoire de Queen, « The Show must go on », personne, auditeurice, ne lit le sous-texte de son SIDA en phase très avancée voire fatale… Ce morceau de Architects, c’est le “show must go on” de Tom Searle, guitariste du groupe, atteint d’un cancer en phase terminale… Un ton général qui passe du déni à la colère au marchandage à la dépression pour finir sur l’acceptation, des paroles qui fleurent bon l’espoir, le tout étendu sur huit minutes. Un chant du cygne (pour citer littéralement les paroles) à l’instar de celui de Freddy Mercury. Ironique ? Hmmmm ? Bref, enjoy en cliquant sur le lien ci-dessous :
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Voilà, un petit article en cinq visions artistiques différentes comme les cinq étapes du deuil. Mon message est le suivant : profitez que vous êtes encore vivant pour lire de la Poésie, aller à des expos photos, des galeries, mater des films, des photos, écouter de la musique… « Aimons nous vivants, n’attendons pas que la mort nous trouve du talent » … parce que vous ne savez pas si le soleil va se lever ou même si vous aurez l’occasion de le voir. Je vous souhaite donc une bonne soirée en vous rappelant que l’essentiel sera que demain soit un nouveau jour.