Waidelotte est une toute nouvelle formation formée en Ukraine par des musiciens d’horizons assez divers, à savoir : Andrii Pechatkin (White Ward),Oleksii « Zlatoyar » Kobel (Soen) et Mykhailo Bogaichuk (I Miss my Death). Dans les faits le line-up est même beaucoup plus large encore, comme en atteste la liste conséquente des invités (près d’une douzaine) qui sont intervenus sur « Celestial Shrine ». On y retrouve notamment des membres de ТІНЬ СОНЦЯ, de Naoni Orchestra, de Casa Ukrania et de Gordiy Starukh. Le tout donne un mélange pour le moins étonnant et sort sur le label français Debemur Morti Productions.
L’artwork réalisé par Serhii Kochmar pourrait laisser penser à une réminiscence de Cult of Fire, mais non Waidelotte n’a pas de vocation bouddhiste, quand bien même son chanteur concède, je cite : « Bien qu’il ne s’agisse pas d’un dieu hindou en particulier, nous avons cherché l’inspiration dans cette religion, en réinterprétant certaines de ses perles de sagesse du point de vue de nos origines. Mais chacun peut voir son propre sanctuaire sur la pochette. C’est juste un élément déclencheur qui peut pousser à une exploration et à des conclusions plus approfondies. ».
A l’aune de cette citation et du line up présenté plus haut, vous comprendrez aisément qu’avec « Celestial Shrine », on n’est pas avec un album tout simple qui va nous tomber tout cuit dans le bec.
La description même de la musique est assez hasardeuse si ce n’est dire qu’elle est une combinaison de post black, de death metal avec des influences progressives et le recours ponctuel à des chants et instruments folkloriques (vielle à roue, bandura, tsymbaliy…).
La première écoute s’avère d’ailleurs pour le moins déconcertante laissant l’impression d’un maelstrom stylistique dans lequel on se sent un peu perdu. Le même genre de sensation qu’on peut éprouver à l’écoute du dernier Thy Catafalque par exemple. D’emblée, on comprend donc que l’on est face à un de ces objets sonores plus ou moins identifiés et que ce « Celestial Shrine » ne va pas se laisser dompter facilement.
L’affaire est complexe sans l’ombre d’un doute. En même temps avec des compositeurs comme Oleksii « Zlatoyar » Kobel de Soen ou Andrii Pechatkin, chanteur / bassiste de White Ward, il ne fallait pas s’attendre à autre chose. La voix, désormais assez familière, de ce dernier est d’ailleurs une des accroches de « Celestial Shrine » offrant une des premières branches auxquelles se raccrocher.
Sur le plan thématique, l’album entend dépeindre le voyage d’un individu à travers le désespoir, la mort et finalement la renaissance. Un cheminement complexe donc, avec pour point de lumière une forme de catharsis. Là encore, la main d’Andrii Pechatkin est assez reconnaissable et ces quelques éléments de contexte permettent de mieux saisir les intentions de Waidelotte dont la musique semble chevillée aux paroles narrant le parcours chaotique de ce personnage fictif.
Chaos. C’est bien le mot qui ressort aux premières écoutes. Mais ce chaos n’a rien de hasardeux. Quand bien même la musique de Waidelotte peut laisser une première impression de confusion ou de profusion, on comprend assez vite aussi que ce chaos est minutieusement orchestré et se met au service de la narration. A ce titre les intentions artistiques de la formation sont donc parfaitement transcrites même si l’album reste parfois difficile à suivre dans ses multiples changements de caps.
Au fil des écoutes, « Celestial Shrine » se dessine comme un agencement complexe de fulgurances musicales se succédant les unes aux autres. J’ai déjà évoqué le chant d’Andrii Pechatkin, toujours aussi efficace pour dégager cette noirceur et cette rage, mais on pourrait aussi s’en tenir aux guitares qui savent s’aventurer aussi bien dans des contrées d’un post black débridé que dans celles d’un death metal solidement charpenté. La basse ? Dans les mains de Oleksii « Zlatoyar » Kobel cet instrument fait déjà des merveilles dans Soen. C’est encore plus le cas ici.
Les passages où des sonorités traditionnelles viennent se greffer à cet ensemble ne manquent pas d’attirer l’attention, quand bien même ces moments arrivent souvent par surprise, amenant un subit rai de lumière sur un univers sombre et chaotique.
Que l’on parle des différentes irruptions de chants féminins ou de la vielle à roue sur « Todestrieb » ou encore des sonorités de bandura sur l’intermède «Ascending», ce premier opus offre une large palette de respirations et finalement de couleurs. Le point d’orgue de tout cela est probablement constitué par le titre éponyme où les sonorités de ce magnifique instrument qu’est le tsymbaly se marient à merveille avec des guitares agressives pour un morceau tout en contrastes. L’outro ambient constituée par « Dissolving » relèverait du coup de l’anecdote, si ce morceau n’avait pas une fonction bien particulière pour clore le récit.
Alors non, ce premier album n’est pas des plus faciles à aborder que ce soit du point de vue de l’auditeur ou plus encore du chroniqueur. Mais au-delà de cette complexité qui peut décontenancer, il se révèle au fil des écoutes comme une œuvre impressionnante par son ampleur et sa richesse aussi bien musicale que conceptuelle.
Tracklist :
01. Descending (00:44)
02. The Era of Stagnant Gods (4:31)
03. Todestrieb (5:11)
04. Opulent Mirage (5:35)
05. The Mortality Archway (3:33)
06. Ascending (1:02)
07. Lightkeeper (4:46)
08. Celestial Shrine (4:25)
09. Dissolving (feat. Solar Kollapse) (8:18)
Line-up : Andrii Pechatkin – Chant / Mykhailo Bogaichuk – Guitares / Oleksii « Zlatoyar » Kobel – Basse
Guest(s) : Cody Lee Ford – Guitare (track 8) / Nata Hrytsenko – Chants ethniques (track 2, 3) / Sofiya Ruban – Chants ethniques (track 2, 3) / Olena Pavlovska – chants ethniques (track 7) / Igor Roshenets – Chant (track 4, 8) / Anna Buziian – Chant (track 7) / Serhiy Vasyliuk – Voix (track 3) / Gordiy Starukh – Vielle à roue (track 3) / Vlad Vakolyuk – Bandura (track 6, 8) / Ivan Hnativ – Tsymbaly (track 7, 8) / Solar Kollapse – Compositeur (track 9)
Liens :
https://waidelottemusic.bandcamp.com/album/celestial-shrine
https://www.debemur-morti.com/en/news/912_waidelotte-join-dmp.html
https://facebook.com/waidelottemusic