Genre : Melancolic Metal
Note : 80/100 (Mémé Migou)
Label : Les Acteurs de L’Ombre Productions
Sortie : 10 Mai 2024
« Dis, Mémé, tu fais quoi ce week-end ?
– Oh, j’ai décidé de me plonger dans la trilogie des Jours Pâles. Le troisième volet vient tout juste de sortir et ça me tente bien de voir quel regard sur le monde Spellbound portera par ses textes, cette fois.
– Et tu avais aimé les premiers opus ?
– Oui, à chaque fois, on sent l’analyse de la société, du monde. C’est une forme d’écriture triste qui nous tenaille. On a envie d’un happy end, mais on voit bien que plus ça avance, plus on s’enfonce. Alors oui, on a cette lueur d’espoir mais….
– Et celui-ci, il parle de quoi ? Tu me pitches un peu ?
– Alors, c’est l’histoire de…

… C’est l’Histoire d’un regard. Qui porte le regard ? Quel en est son état d’esprit, forme de lunettes aux verres fumés, rendant brumeux tout autour de soi ? Quels verres porte-t-il, ce regard ? Noirs ? Roses ? Jaunes ? Rouges comme la colère…
Mais pas n’importe quelle colère, celle engendrée par la tristesse infinie d’une rupture, celle qui s’approche du dégoût, de la solitude et de tout ce qui fait mal dans son amour propre. Amour propre, vraiment ? Amour sale, peut-être ? Un amour qui fait rejaillir ce qu’il y a de plus terne et de plus glauque en nous, quand il nous lâche, quand il nous abandonne, quand il nous trahit.
Comme dans toute histoire, nous avons les 5 éléments. Je n’entends pas ici parler de l’eau, du feu, de la terre, de l’air et et l’esprit, mais bien de ce qui constitue une histoire. Qu’elle soit romanesque ou d’amour, finalement, cela reste une histoire, qui parfois entre par la grande porte de l’Histoire. En tout cas, ça l’est pour chacun de nous.
On commence par la scène d’exposition. « Taciturne » nous montre déjà la première dissolution, celle des esprits libres qui s’enchevêtrent dans des débats stériles. Musicalement, on entre dans l’histoire par un solo désabusé avant d’attaquer une partie vocale fricotant avec une diction rap convenant à merveille aux propos atrabilaires. Il ne faudra pas plus d’une minute avant que le chant ne se fasse crié, rappelant que Jours Pâles fait bien partie de la famille du Metal, mélancolique, certes, mais Metal tout de même.
Les choses sont posées, c’est sombre et hargneux, torturé, sur le fil du rasoir. Mais à la fois, les riffs et les soli sont hyper mélodiques, rajoutant à cet état de malaise ambiant décrit par cette première tract. Et ça monte en intensité, on est déjà prêt à craquer…
Vient l’élément perturbateur. Dans le cas de cet album, Dissolution, Jours Pâles nous met de suite dans l’ambiance. Cet opus parle des ruptures. Des ? Vraiment ? D’une rupture qui fait craqueler le vernis de notre probité d’esprit. « La reine de mes peines », ou la brûlure d’une rupture, la douleur de la passion. Dans la bouche, le goût de la poussière, celle du sol, d’être tombé à genoux puis face contre terre. Le riff de la guitare a le son acéré d’une scie qui découpe le métal de nos cœurs (vers 0:50), juste après les quelques notes de piano sur un fond musical déjà bien furieux. C’est le chaos, c’est la dissolution d’un couple, d’une composition. « Toxique, bancal, amer, figé », dit-il… Y a pas on n’est plus dans le metal rock mélancolique et gothique du premier album. On constate que le durcissement abordé déjà dans l’album Tensions continue en montant d’un cran. Le travail de la batterie est ici plus rentre dedans, quasi martial, sur un chant presque parlé dans une voix empreinte de dégoût ou une criée.
On a vers 3:45 un petit break plus mélodique et légèrement apaisé, nous permettant de souffler un peu dans cet amas de détresse.

Viennent ce qu’on appelle les péripéties. Mais attention, cela n’enlève en rien à la qualité de ce qui va suivre. Ce sont ces aventures qui vont faire évoluer notre protagoniste, parfois en bien, parfois en mal. Dans « Noire impériale », nous voyagerons dans les abysses du désamour, celui qui se trouve au fond d’un verre, d’une bouteille. En l’occurrence, on voit la subtile analogie entre l’Impériale Stout et tout le champ lexical de la pression qui met sous pression. Bon, petite parenthèse, s’abîmer dans la Noire impériale, faut vraiment avoir envie. C’est lourd, c’est pâteux et ça te reste sur la langue et l’estomac. Mais ceci étant dit, c’est bien de cela dont il est question. Et le chant qui accompagne ce titre est comme « dégueulé » sur les fins de phrases. Le reste jouant sur une voix à mi chemin entre le chant crié et la voix éraillée, comme un gars éméché qui crache sa haine et son dégoût. Musicalement, on surfe sur des vagues d’émotions, des riffs au son acide, et des nappes plus calmes, des passages à la double, des trémolos qui nous rappellent que le black metal n’est pas loin, des passages syncopés, chaloupés presque groovés jouxtant du black… Et nous avons toujours ces montées en intensité, comme ce passage vers 3:30. Avec ces mots sur les instants de bonheur alliés à la montée et au chant crié, tout ça fait monter les poils. Certains seront submergés par l’émotion, mais pour ma part, c’est presque l’effet inverse. Plutôt que d’avoir cette impression d’exulter, de sortir d’une catharsis avec la sensation d’une saine fatigue qui lave le corps et l’esprit, je ressens la montée en puissance comme autant de tension en moi. Un peu comme si je prenais en moi toute la douleur d’en face. De fait, je me sens tendue, prête à éclater à mon tour. Une rage contagieuse.
C’est aussi par ces chemins qu’il va rencontrer d’autres compagnons d’aventure. Cette sirène qui l’appelle sur les routes, avalant les kilomètres pour se mettre à l’écart de lui-même. « Les lueurs d’autoroutes », retrouve un peu de cet Asphodèle, un duo de voix féminine et masculine, une voix claire, douce, mélodieuse, qui offre une lueur d’espoir sur l’écho crié, parfois parlé, de notre protagoniste en déroute. On revient sur une base plus rock mélancolique, mais avec cette acidité du metal malgré tout. Un côté apaisé, L’autre toujours en fuite.

« Réseaux venins », porte bien son nom. Dans ce titre, c’est de nouveau la colère qui prend le dessus. Que ce soit la batterie, les riffs, tout est dans l’hostilité, vitesse, riffs mordants, tout est acerbe… Forme de Climax avant d’enquiller sur « Une mer aux couleurs désunions », un instrumental de 2 minutes, plus calme, mais désabusé à souhait. Avec des sons aigus très acides et malsains. C’est bien là l’élément suivant dans l’avancée de notre schéma narratif : quand tout semble perdu, qu’il n’y a plus d’espoir.
On chemine ensuite sur « Limérence », où l’acceptation commence à poindre le nez. Entre début d’apaisement et doutes toujours. La musique suit le schéma, avec des mélodies plus calmes et quelque peu moins tristes. Bien entendu, on alterne encore entre temps forts et puissants et accalmies. Le chant sinue entre le cri et le slam.
Et voilà qu’arrive le titre éponyme, « Dissolution ». L’intro y est calme, laissant entrer une basse qui apporte un début d’enracinement. Le chant se situe entre la voix claire et le chant parlé, avant de repartir sur le cri, puis de nouveau du calme en slam. C’est bien ici le dénouement. On revient sur une rythmique plus rock que metal, même s’il reste encore des passages à la double sur du tremolo picking. Un morceau qui montre l’étendue des techniques de chacun. Avec la venue, à nouveau, de cette voix féminine, plus combative et affirmée. Notre “Deus Ex Machina”….
Le dernier élément de notre histoire est la conclusion. La fin du propos. On ferme les portes, on expose la situation finale. Le héros, a-t-il évolué ? Toute bonne histoire le veut, bien entendu. Même si, comme en ce cas avec « Terminal nocturne », la fin n’apporte pas forcément le happy end attendu par les nombreux niais qui avalent les belles histoires d’amour façon US. Non, ici, c’est :
« Terminal nocturne :
Un manque d’idées pour l’avenir
Terminal nocturne :
Destin qui bientôt va s’anéantir »
La messe est dite…
Et ainsi s’écrit le mot FIN sur cet album Dissolution, de Jours Pâles. Qu’en retenir ? Que nous avons une ascension vers une entité plus acerbe et agressive. On a toujours la mélancolie des premiers Jours Pâles (notamment l’album Éclosion), mais en même temps, avec beaucoup plus de hargne injectée. On ne peut nier, à l’instar du titre éponyme, que tout est bien travaillé, diverses techniques sont employées évitant une lassitude du propos. Et je salue fortement cette qualité, tant d’exécution que d’écriture. Mais, malheureusement, j’ai un peu de mal à rentrer dans l’aventure. Comme dit plus haut, j’en ressors tendue de recevoir toute la noirceur excrétée. Je ne doute pas que nombreux seront ceux qui y trouveront la catharsis tant attendue. Je ne suis peut-être tout simplement pas dans le mood. C’est beau, mais ce n’est pas pour moi.
Tracklist :
- Taciturne
- La reine de mes peines (des wagons de détresses)
- Noire impériale
- Les lueurs d’autoroutes
- Réseaux venins
- Une mer aux couleurs désunions
- Limérence
- Dissolution
- Terminal nocturne
Line up : Spellbound – Chants, Claviers / Alexis – Guitare / Alex – Basse / Ben – Batterie / Stéphane – Guitare
Guests : Onyriah FW/Torve – Chant additionnel / Lenos Aeon – Solo additionnel
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