« La France des Maudits ». Tel est le titre de ce septième album de Seth qui a la lourde charge, il faut bien le dire, de succéder à « La morsure du Christ ». Parvenu à une stabilité dans son line up, le groupe français joue la carte de la continuité, que ce soit dans la voie artistique ou dans les aspects techniques avec de nouveau un enregistrement aux studios Sainte Marthe et un mixage confié de à Francis Caste.
Souvenez vous « La morsure du Christ » se clôturait sur « Le Triomphe de Lucifer », inspiré du poème de Charles Baudelaire « Les litanies de Satan » ; le premier titre de « La France des Maudits » va débuter par un hommage à ce même écrivain avec « Paris des maléfices ». La transition est donc toute trouvée et ce nouvel opus s’inscrit donc clairement dans la continuité de « La Morsure du Christ », tout en s’en différenciant aussi.
Là où précédemment les idoles disparaissaient dans un gigantesque brasier, « La France des Maudits » donne cette impression que les cendres peu à peu retombent et laissent entrevoir de nouvelles figures prêtes à prendre leur revanche sur l’ancien monde ; telle cette femme qui pactise avec le malin dans « Et que vive le diable ! » et se libère du joug du prêtre dont la tête tranchée devient un symbole de l’ancien monde déchu.
Prenant pour cadre métaphorique la Révolution Française, « La France des Maudits » met en avant des figures opprimées qui sortent de l’ombre pour inverser l’ordre du monde. L’heure est venue de piétiner le sacré et le divin. C’est ce à quoi appelle « La Destruction des Reliques ». C’est ce que fait cette « femme vêtue de pourpre et d’écarlate » qui s’enivre du sang des saints et dont les derniers alexandrins sont pour le moins évocateurs:
« Cette gloire passée, ce soir jonchant le sol ;
Statues vandalisées, couvrant haillons d’étoles.
Les visages brisés, de nos mortes idoles
Voient la croix inversée ! Notre ultime symbole ».
S’épanouissant dans cet univers historique apocalyptique, la musique proposée par Seth, dans ce septième opus, se couvre aussi d’un voile de noirceur beaucoup plus épais encore. Pas de révolution stylistique pour autant, mais tout en plaçant ses pas dans ceux de « La morsure de la Christ », Seth ne reste pas bloqué sur celui-ci et parvient autant à garder le fil qu’à créer des compositions s’en singularisant et ouvrant la porte sur un nouvel univers.
Ainsi des titres comme « Et que vive le diable » ou « L’insurrection » feront le bonheur de ceux et celles qui aiment chez Seth cette capacité à proposer des morceaux à la fois riches et accrocheurs (sans aucune arrière pensée péjorative derrière ce dernier terme). A plusieurs reprises, également, l’utilisation de la viole de gambe et certaines orchestrations de Pierre le Pape sonneront comme des petits rappels subtils à l’œuvre précédente.
Pour autant, cet opus est tout sauf une redite : comme évoqué un peu plus haut, sa tonalité globale me paraît aussi beaucoup plus sombre et, de ce fait, peut-être moins évidente de prime abord. Là où « La Morsure du Christ » était frappée du sceau de l’incandescence, avec une majorité de morceaux très nerveux, « La France des Maudit » joue la carte d’une subtilité plus affirmée, avec de nombreuses incursions dans des ambiances plus ténébreuses. La meilleure illustration en est sûrement le morceau « Dans le cœur un poignard » qui évolue dans un registre mid tempo qui pourrait s’apparenter à une lente valse noire avec la mort. Un morceau qui étonnera certains, peut-être, mais qui renoue pleinement avec ces ambiances baroques voire gothiques de l’album fondateur « Les blessures de l’âme ». Toujours dans ce ton plus ambiant, notons aussi l’instrumental « Marianne » dont le nom est autant une référence à la période révolutionnaire qu’un sobre hommage à Marianne Séjourné, trop tôt disparue il y a un peu plus d’une dizaine d’années et qui avait officié comme bassiste au sein de Antaeus ou Hell Militia entre autres.
En somme, les compositions de ce nouvel album sont donc plutôt variées tout en donnant à « La France des maudits » une cohérence et une homogénéité qui résonne comme pourrait le faire une bande originale.
Moins direct que ne l’était « La morsure du Christ », ce septième album vogue, de mon point de vue, dans des eaux à la fois plus sombres et plus profondes. Que ce soit par la richesse et la finesse de son instrumentation, la foisonnance et la finesse de ses arrangements ou les paroles composées en alexandrins, « La France des maudits » est un album dense qui ne se révèle pas toujours immédiatement mais se savourera autant sur l’instant que sur la durée.
Tracklist :
1. Paris des maléfices (05:09)
2. Et que vive le diable ! (05:35)
3. La destruction des reliques (05:51)
4. Dans le cœur un poignard (05:30)
5. Marianne (02:59)
6. Ivre du sang des saints (05:37)
7. Insurrection (07:33)
8. Le vin du condamné (08:06)
Line-up : Saint Vincent – Chant / Heimoth – Guitare / Drakhian – Guitare / Esx Vnr – Basse / Pierre Le Pape – Claviers / Alsvid – Batterie.
Liens :
https://innomineseth.bandcamp.com/album/la-france-des-maudits
https://www.deezer.com/us/artist/56150?autoplay=true&deferredFl=1