Genre : Black Metal Progressif
Note : 95/100 (LB D)
Label : Frozen Records
Sortie : 07 juin 2024
C’est lors d’un déplacement à Nantes en avril dernier, au cours de ma visite incontournable au célèbre magasin de disques Frozen Records, que mon histoire avec cet album a véritablement débuté, et ce, d’une manière plutôt singulière. Alors que j’effectuais le règlement de mes achats à la caisse de ce fameux disquaire, l’un des deux gérants m’a remis un vulgaire sticker de Aetheria Conscientia, et n’oubliant surtout pas de m’annoncer fièrement qu’un nouvel album serait publié en juin. J’avais connaissance de ce groupe, pour avoir écouté l’album précédent sur les réseaux sociaux, mais faut bien l’admettre aussi que je n’y avais pas accordé une attention toute particulière.
Après l’été, c’est en retombant un peu par hasard sur ce fameux autocollant dissimulé au fond de ma corbeille de fruits (sic !) que je me suis enfin résolu à jeter une oreille sur ce fameux “The Blossoming”. Grand bien m’en a pris car à la première écoute, j’ai pris – et permettez moi l’expression – “une grosse baffe dans la gueule”.
Mais tout d’abord parlons un peu du line-up, s’articulant toujours autour de P.A Cantat et Tristan Brachi aux guitares et d’Alexis Pascal à la basse. Le groupe a connu un petit changement avec l’arrivée d’un nouveau batteur en la personne de Valentin Henault, et du coup Paul Breheret qui, lui, est passé de la batterie au chant principal et aux percussions. Pour la petite histoire, Paul, et je ne le savais pas à l’époque, mais c’est lui qui m’a remis ce petit sticker à Frozen Records. Comme quoi, tout s’explique.
En ce qui concerne cette nouvelle galette, il faudra noter avant tout, l’élargissement du champ musical opéré par le groupe. Une vraie réflexion a été menée par les membres à ce sujet là, l’objectif étant de ne pas se limiter à un simple remake de l’album précédent. Cela inclut notamment l’exploration du psychédélisme et l’expérimentation de nouveaux sons, en particulier ceux issus du Moyen-Orient. L’incorporation du chant féminin participe également au renouveau de la trame sonore des Nantais.
Toutes ces expériences se retrouvent au gré des titres, mais en premier lieu, c’est à Mastodon que l’on pense dès l’introduction de « Astral Choir ». Cette pensée sera de courte durée car elle est brusquement interrompue dans son élan par un saxophone rappelant celui des Ukrainiens de White Ward. Ces éléments très jazzy enchaînés à des passages Black Metal particulièrement virulents sont un vrai régal pour nos esgourdes. Ce morceau se termine sur une petite note sucrée, grâce à l’apparition du chant très aérien de Cindy Sanchez. Il apporte une sensation de légèreté, de féminité, dans cet océan de riffs acérés et de blast beats. Une belle entrée en matière qui vous donnera un aperçu de ce qui va suivre.
Car les ambiances changent sur “Haersperadh”, elles se veulent plus Progressives, allant même vers le Post-Rock. Le chant de Paul y est plus strident, mais rassurez-vous, les amateurs de Black Metal ne sont pas oubliés. Les accélérations sont toujours aussi efficaces, mais cette fois-ci, elles ouvrent la voie à un passage plus sombre, plus Doom, ajoutant une touche émotionnelle, semblable à ce que pouvaient réaliser les américains de Agalloch en son temps.
“Wrath Of The Virikoi” est le titre le plus court de l’album, un morceau de Black Metal percutant, somme toute un peu plus classique. Toutefois, l’apparition d’un son de synthé de science-fiction nous plongera directement sur le territoire du psychédélisme. Et ce, pour la première fois depuis la fondation du groupe.
On change de face, ben oui, je chronique cet album en écoutant le vinyle. Le premier morceau de la face B (j’ai la flemme de l’écrire ! [NdMémé Migou : “Daimu Kadasdra Ko Antall”] n’est pas chanté en Anglais comme les autres, mais dans un dialecte inconnu. Ce dernier résume parfaitement l’histoire, en étant la langue des indigènes qui vivent sur la planète Haersperadh et qui voient débarquer de l’espace un groupe de voyageurs en quête de refuge sur leur territoire. L’introduction se fait tout en douceur, à coups de percussions tribales, de solo de guitare très David Gilmour compatible et de synthé façon psychédélique année 70 (Hawkwind es-tu là ?).
On notera le retour des sons moyen-orientaux avec les vocaux tout en tendresse de Dolorès Anapeste, s’équilibrant merveilleusement bien avec le chant rageur de Pierre. Tout cela nous fera voyager dans des contrées lointaines. Ce titre met un peu de temps à démarrer, mais je pense que cela permet aussi de mieux apprécier en fin de parcours, cette déferlante de riffs à la manière de Enslaved.
Le principe est le même pour l’avant-dernier titre, “Endless Cycle”. Mise en route en douceur avant une petite montée en puissance et d’enchaîner sur un Black Metal haineux. Seul, le saxophone presque apaisant de Guru Pope nous procure une bouffée d’oxygène, nous préservant ainsi de la descente dans les abysses froids et dépourvus de lumière.
The Blossoming se termine sur son titre éponyme, et peut-être celui qui résume le mieux la musique de Aetheria Conscientia. C’est-à-dire, le parfait mix entre les sonorités extrêmes, progressives et post-rock, ponctué par les interventions du saxophone encore une fois très bien intégré aux structures musicales et du chant clair des deux chanteuses désormais réunies.
Musicalement parlant, les Nantais ont réussi leur pari de vous transporter dans leur propre univers. Éclatant au passage les barrières de styles avec brio, tout en enrichissant encore un peu plus leur Black Metal progressif, et tout ça, sans jamais ennuyer l’auditeur. Cette expérience musicale reste captivante de bout en bout, principalement grâce à des compositions plus courtes, (moins de dix minutes pour chacune d’entre elles), qui se révèlent ainsi plus efficaces et moins démonstratives. Alors, si vous aimez le mariage des genres, les ambiances à la Darkspace, Mare Cognitum ou White Ward, le Black Cosmique de Labyrinthus Stellarum, je ne peux que vous conseiller cet album.
Alors que cette année il y a eu profusion d’albums de qualité, voire même d’excellents albums, aucun n’a réussi à me bouleverser ou à me faire décoller de mon canapé autant que “The Blossoming”. Ce fut un véritable coup de cœur dès les premières notes. Le nombre incalculable d’écoutes n’y changera rien, je ne m’en lasse pas, et éprouve sans relâche le même plaisir à remettre la galette sur la platine avec cette ferveur toujours intacte, et cette inaltérable sensation de le redécouvrir un peu plus chaque jour.
Cet album répond à l’ensemble des critères que j’ai établi pour désigner mon album de l’année. (Les frissons suscités dès les premières notes, un nombre significatif d’écoutes, ainsi que le plaisir constant d’y revenir sur le long terme sans jamais ressentir d’ennui…constituent mes conditions essentielles). Par conséquent, Mesdames et Messieurs, après concertation avec les membres du jury, c’est-à-dire moi-même tout seul dans ma tête, je déclare que “The Blossoming” de Aetheria Conscientia, le grand gagnant de mon TOP ALBUMS 2024. Félicitations à vous.
PS : La morale de cette histoire, c’est de ne jamais négliger un sticker ou un flyer qu’on vous donne dans un magasin de disques ou à la sortie d’un concert. On ne sait jamais, ce sera peut-être, comme pour moi, votre prochain gros coup de cœur.
Tracklist :
01 – Astral Choir
02 – Haesperadh
03 – Wrath Of The Virikoï
04 – Daimu Kadasdra Ko Antall
05 – Endless Cycle
06 – The Blossoming
Line-up :
Alexis Pascal – Basse / P.A. Cantat – Guitare / Paul Breheret – Voix, Percussions, Programmation, Textes / Tristan Brachi – Guitare, Voix, Textes / Valentin Henault – Batterie, Programmation
Guests : Cindy Sanchez (Lisieux, Candélabre) – Voix sur les morceaux 1 et 6 / Dolorès Anapeste – Voix sur les morceaux 4 et 6 / Hugo Champion (Lisieux, Plebeian Grandstand) – Synthétiseurs et Ambiances / Guru Pope – Saxophone
Liens :
https://aetheriaconscientia.bandcamp.com/album/the-blossoming
https://www.facebook.com/aetheriaconscientia/
https://open.spotify.com/intl-fr/artist/7bs8Ac2dYPjssMduDbmcWs
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