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Enterré Vivant – Akuzaï

  • par

Genre : Black Metal Atmosphérique
Label : Antiq Records
Sortie : 26 Mai 2025

Note : 95/100 (LB D)

Après avoir exploré les thèmes des saisons dans Shiki et les quatre éléments de la vie dans Shigenso, Enterré Vivant revient avec un nouveau concept album intitulé Akuzaï, qui se traduit en français par “péchés diaboliques”. Sakrifiss, la tête pensante du projet s’attaque cette fois-ci aux dix péchés capitaux selon une branche du bouddhisme, ayant pour point commun la Seconde Guerre mondiale vécue par les civils et les soldats japonais. 

  *

Mais, avant de passer au crible cet album, permettez-moi tout d’abord de revenir sur cette photographie d’époque qui illustre la pochette. Elle représente une femme au regard perdu, allaitant son enfant après le largage de la bombe atomique sur Nagasaki. Si le visuel de l’album précédent était magnifique, celui-ci, bien que porteur d’une certaine beauté, engendre en moi un sentiment de malaise, particulièrement après avoir appris que le nourrisson est décédé quelques jours plus tard.

L’introduction débute par un discours historique de l’empereur Hiro-Hito, diffusé à la radio lors de l’entrée du Japon dans la Seconde Guerre mondiale. Il est marqué par des grésillements caractéristiques de l’époque et d’un son de flûte traditionnelle, renforçant ainsi sa dimension dramatique. De cet extrait découle le premier titre, intitulé “Chûtô”, démarrant tout en douceur avec ces quelques notes de guitare acoustique, accompagnées encore une fois par cette flûte dont la mélodie finit par vous entêter. Suit alors un black metal atmosphérique où apparaissent les premiers gémissements de Sakrifiss. Il ne s’agit pas d’un black agressif, mais plutôt d’une composition que je qualifierais de mélodique, somptueuse, où se dégage une certaine forme de sérénité. Mais, bon sang, que ce morceau nous met en appétit pour la suite.

L’ensemble des six compositions (si l’on excepte l’intro, l’outro et les deux interludes) est principalement interprété sur un mid-tempo, qui, accompagné de multiples samples, est en parfaite harmonie avec la dimension dramatique du thème abordé. L’exception qui confirme la règle est peut-être “Sesshô”, qui est très probablement le titre le plus énervé de l’album. Un Black Metal à la fois virulent et sans concession qui, mélangé aux bruits des bombes et des avions, nous plonge immédiatement dans la Seconde Guerre mondiale. Les interventions vigoureuses de Sakrifiss et le chant si particulier et immédiatement identifiable d’Erroiak, se révèlent particulièrement complémentaires dans ce contexte, témoignant d’une complicité sans égal à ce jour.

Mais le savoir-faire d’Erroiak ne se limite pas à ces seules parties de chant. Je voudrais mettre en lumière ses talents de compositeur à travers trois autres œuvres qui représentent véritablement les pièces maîtresses de cet album. En premier lieu, “Jaïn” et ses parties de piano mélancoliques interprétées par l’artiste lui-même, lesquelles, associées à des extraits sonores tirés du film Hiroshima* de 1953, lui adjugent une dimension à la fois sombre et dramatique où l’ambiance est particulièrement pesante. Ensuite, “Shin’i” se distingue par une approche nettement plus mélodique, orientée résolument vers le Heavy Metal, avec une touche d’optimisme soulignée par un passage symphonique à la fois entraînant et d’une grande beauté. Enfin, “Kigo”  nous rappelle qu’il est un grand fan de Summoning. Ce morceau épique et très atmosphérique dont l’ambiance générale, notamment avec un son de batterie particulièrement épais, nous replonge directement à l’époque des albums Minas Morgul et Dol Guldur des Autrichiens. Ces trois titres, aussi divers que variés, nous prouvent une nouvelle fois qu’Erroiak est un auteur compositeur hors pair et qu’il maîtrise parfaitement aussi bien la musique classique que les différents styles de Black Metal existants. Et pas que, apparemment, car il semblerait même qu’il fasse référence à un certain groupe de Rap sur cet album. Bon, autant vous le dire tout de suite, je n’ai aucune compétence dans cette musique, donc je laisserai les autres en parler, okay.

Sakrifiss n’est pas en reste pour sa part. En plus d’être à l’origine de la thématique, il a réalisé un véritable travail approfondi au niveau du chant. Je trouve ses interventions moins agressives, plus posées et réfléchies que par le passé. Si, parfois, elles avaient tendance à agacer certains auditeurs [ndlr : pas moi !], Ce ne devrait plus être le cas sur Akuzaï, car ici, elles sont parfaitement intégrées et judicieusement placées au sein des compositions, ce qui n’était pas toujours le cas, notamment sur le premier album. À titre d’exemple, son travail remarquable sur la deuxième partie de “Shin’i”. Après la courte section symphonique mentionnée plus haut, Sakrifiss prend le relais d’Erroiak pour une narration endiablée, avec ce côté un peu torturé qui me fait penser par instants à Dani de Craddle of Filth. C’est tout simplement fantastique et constitue très certainement mon morceau préféré de l’album. 

Je terminerais cette analyse avec les deux interludes et l’outro plus ou moins énigmatiques. Tout d’abord, “Waruguchi”(insulte en français). Imaginez un peu un petit démon semblable à Golum du Seigneur des Anneaux, proférant des menaces au-dessus d’un berceau, provoquant ainsi les pleurs d’un bébé (sic !). Le deuxième “Môgo”  est l’œuvre de l’artiste d’origine suédoise Athena Nahkriin Halphas, qui nous expose ici, d’une voix possédée et malfaisante, les raisons pour lesquelles les jeunes Japonais sont conduits à mourir prématurément, tout en étant élevés au rang de héros pour une idéologie qu’ils n’ont pas choisie. Enfin, l’outro intitulée  “Ryôshita” est en partie composée d’un extrait du film La Harpe de Birmanie, dans lequel on peut entendre des soldats chanter à l’unisson accompagnés de cris d’animaux et le son d’une harpe. Une voix explique que la musique et le fait de chanter ensemble les ont aidés à surmonter l’enfer de la guerre auquel ils étaient confrontés*. Cette conclusion, à la fois belle et légèrement inquiétante, représente néanmoins une clôture parfaite pour cet album.

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Pour conclure cette chronique, il convient de souligner que ce nouvel opus constitue une suite cohérente de Shigenso. Toutefois, en adoptant une écriture plus ambitieuse, plus approfondie et d’une richesse musicale remarquable, Akuzaï se révèle nettement supérieur à tous égards. Les deux artistes ont ainsi su affirmer davantage leur personnalité ainsi que leur identité franco-japonaise déjà esquissée dans l’album précédent. L’imagerie cinématographique qui se dégage de cet opus se révèle  particulièrement saisissante. À travers ses dix compositions, le duo parvient à traduire avec précision les émotions et la souffrance du peuple japonais, ainsi que l’incompréhension face à la perte de tant d’innocents engendrée par cette guerre. Pour ma part, je trouve cette œuvre profondément émouvante, sombre et presque bouleversante, mais avant tout remarquable et très certainement la plus aboutie de leur discographie. Alors, peut-on le considérer comme l’album de la maturité ? Bonne question ; seul l’avenir nous le dira. En tout état de cause, ce Akuzaï fera date et il faudra compter sur lui pour le décompte final en fin d’année.

*Informations issues de l’interview de Sakrifiss pour le Webzine Thrashocore.

Tracklist : 

01 – Jaken

02 – Chûtô 

03 – Sesshô 

04 – Waruguchi

05 – Jain 

06 – Don’yoku 

07 – Môgo 

08 – Shin’i

09 – Kigo 

10 – Ryôshita 

Line up : 

Erroiak – Tous les Instruments / Chant

Sakrifiss – Chant / Paroles

Guest : 

Athena Nahkriin Halphas – Voix sur “Môgo”

Liens : 

https://www.facebook.com/enterrevivantblackmetal

https://enterrevivant.bandcamp.com

https://antiqrecords.com

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