Note : 90/100 (Mémé Migou)
Genre : Post-hardcore
Label : Autoproduction
Sortie : 16 Avril 2024
« Après une subtile esquisse, On a enfoncé les vis… Nous les écorchés vifs, On en a des sévices. » – Noir Désir*
Qu’il est bon de pleurer pour un bien-être exacerbé.
Qu’il est bon de hurler pour se délivrer des chaînes, du carcan que le quotidien vient poser, comme autant de poids, sur la barre de nos épaules.
Qu’il est bon de se mettre en colère quand on se doit d’être souriant à chaque instant – l’injonction feel-good…
Vous connaissez ces montagnes russes, dans les parcs d’attraction ? Une lente montée qui noue les entrailles puisqu’on sait pertinemment que ça va retomber à grande vitesse, laissant le » mais quand ? » en suspend. Suspens sans faille que cette retenue accompagnée d’une ascension irrésistible, de celle qui provoque un frisson de peur, un soupçon d’adrénaline, et beaucoup d’appréhension. Et c’est, avec cette succession de propulsions et de ralentissements, ce que nous offre « Perpétuel », le second album des Lyonnais de Vesperine.
On n’est pas ici dans un album qui va vous flanquer des mandales, vous déchausser les dents. Non! Ici, c’est le coup droit en plein dans l’estomac. On se retrouve plié en deux, les larmes aux yeux, le souffle court.

J’ai pris la chronique, sans connaître ni le groupe (qui a tout de même un premier EP en 2015 déjà et un album en 2019) ni, statut de Mémé oblige, le genre. Du post-Hardcore ? OK… J’imagine bien la chose, mais je ne maîtrise pas le moins du monde. Voilà donc une petite trouille, une sortie de zone de confiance. Mais c’est stimulant également, vous ne trouvez pas ?
Alors que voyons-nous à propos du post-Hardcore sur la toile et discussion avec les uns et les autres ? Il semblerait que l’on garde du Hardcore l’agressivité et la violence, mais en poussant plus loin la créativité et les émotions. Une alternance de screamo et de chant chant clair. Et quand on voit le préfixe post, cela sous-entend qu’on dépasse le genre, qu’une foultitude d’influences vient se mêler. Voilà, on est en plein dedans ! Dans la veine d’un Brutus, on pourra voir couler quelques larmes, ou encore un Amenra de par l’intensité du chant.
Parlant influences, on pourra entendre par-ci par-là, à petites touches toujours bien dosées, – à la façon des expressionniste, ce qui peut faire écho à l’artwork bien qu’on ne soit pas exactement dans ce genre – un passage plus pop qui me remémore les harmonies qu’on pouvait retrouver chez Les Innocents (1:15, sur « A cœur Joie »), un autre un peu plus loin complètement sludge avec les grosses grattes bien boueuses (vers 7:30 sur le même titre), ou encore des ambiances planantes du post, façon Gospeed You ! Black Emperor (sur « Mauvaise Herbe »)
La première fois que j’ai lancé l’album, c’était le soir, dans la nuit noire, les yeux fermés pour mieux écouter. Et c’est là que le second titre, « Universelle liesse », m’a cueillie d’un bout à l’autre de ses plus de six minutes. Je vous jure, j’en avais la capillarité des bras en érection ! Cette piste est chamanique, avec le jeu de percussion qui vous prend aux tripes, et cette alternance de cris et de voix claire. Pourtant, le diable sait que je ne suis aucunement fan des refrains en voix claire. Ahhhh ces groupes qui veulent mettre un peu de mélodies tirant surtout sur le pathos. Pas chez Vesperine. Chaque intrusion de voix claire, parfois doublée d’une voix plus grave , comme à 2:20 sur « A cœur Joie », est pertinente, toujours bien dosée. C’est là qu’on se met à entendre les paroles. Et on se dit que bordel ! Ce que ça peut être poétique ! Inutile de dire comme ça m’a fait frétiller. J’en arrivais presque à regretter le chant crié qui, s’il apporte une bonne dose d’émotions empêche la compréhension des mots. Presque, hein… Parce que celui-ci vient toujours à point nommé, pour mettre la cerise sur le gâteau du pic d’intensité.
Les guitares peuvent s’avérer parfois bien grasses, avec un son bien saturé. Alors qu’à certains moments, elles s’effacent pour laisser d’autres instruments prendre le lead, comme les percussions ou la batterie, la basse. Alors, les guitares se font tintinnabulantes, très légères, aériennes. A d’autres moments, elles donnent dans le tremolo picking pour offrir des mélodies ralenties.
Tout est bien pensé. La construction est millimétrée, certainement pas laissée au hasard. La mise en place, c’est quelque chose ! Pour autant, je peux concevoir que certains vont passer rapidement dessus, se disant que les morceaux se ressemblent, façon « je me fais iech au bout d’un moment ». Ce serait là une lecture très sommaire, car en portant l’écoute sur toutes les voix (musicales et chantées) de Perpétuel, on y distingue des rythmes, des mélodies, des intentions distinguées. C’est propre ( superbe prod claire, au passage), mais c’est tout sauf facile !
On a souvent des breaks qui vous donnent l’impression que le morceau est fini, alors qu’il part sur de nouvelles pistes avant de revenir au début, histoire de vous perdre encore un peu plus. L’intérieur d’un morceau est cyclique, et se termine souvent sur le début de la piste suivante qui se lance directement. Cyclique, c’est aussi ce que Vesperine voulait faire ressortir, avec ce thème de l’Espoir et notre lutte sans fin pour sortir de ce trompe-l’œil. Ces mouvements que l’on ressent et sur lesquels je me suis appesantie au début de la chronique, on les retrouve dans la dichotomie de l’album : 3 mouvements, eux-mêmes subdivisés en deux parties. Et ce qui est notoire, c’est le fait de commencer sur la seconde partie du Mouvement III. Ainsi ce dernier se voit border Perpétuel, afin de le clôturer et de l’entamer en un cycle sans fin. Le début appelant la fin et vice versa. Moto Perpetuo…
Une œuvre organique, hypnotique, animale, chamanique, qui ne m’a pas laissée indifférente. Distinguée et réfléchie, elle fait appel à nos émotions primaires. Certains passeront peut-être à côté, trouvant les passages mélodiques trop pop, ou un sentiment de lassitude d’un tempo qui n’accélère pas vraiment (au contraire). Personnellement, je m’en contrefiche ! Tout dans cet album me transporte, ce qui explique cette chronique éminemment subjective. J’assume. De par sa force cathartique, si vous êtes dans le creux de la vague, ce sera aussi libérateur que plombant. A vous de voir, à vous d’écouter, à vous de ressentir, surtout.
*Sans polémique, please
Tracklist :
01. Mouvement III – Tant qu’il y a de l’espoir
02. Mouvement I – Universelle Liesse
03. Mouvement I – À Cœur Joie
04. Mouvement II – Le Poids du Silence
05. Mouvement II – Interférence
06. Mouvement III – Mauvaise Herbe
Line up : Rémi Lasowy – Chants / Adam Courtinot – Guitare / Pierre Prunier – Guitare / Jérémy Piffady – Basse / Aurélien Tosolini – Batterie
Liens :
https://music.apple.com/fr/artist/vesperine/1036581256
http://vesperine.bandcamp.com/
https://www.facebook.com/vesperinemusique
https://www.instagram.com/_vesperine
https://www.youtube.com/channel/UCoJqtW75sCjmKMkx7rrVoLA